Érythrée : au cœur d’une autocratie défiant toute concurrence


Imaginez un pays où votre voisin peut être un informateur, où le simple fait de penser différemment peut vous faire disparaître, et dans lequel le service militaire peut durer toute une vie.

Bienvenue en Érythrée, l’une des nations les plus fermées et répressives du monde. 

Ce n'est pas une dystopie, mais bien une réalité que des millions d'Érythréens subissent au quotidien depuis que le régime d’Isaias Afwerki a progressivement tourné le dos à ses promesses démocratiques après l’indépendance.

Malgré l’espoir d’un avenir meilleur, l’Érythrée a sombré dans un système de contrôle absolu, où chaque aspect de la vie est sous surveillance constante. 

Loin de la vision d'une société libre et prospère, le pays est aujourd’hui dominé par la peur, où toute forme de contestation est sévèrement réprimée.



De l’utopie démocratique à l’étouffement autoritaire, quelles sont les 

conséquences globales de cette politique ?




Un contrôle total : l'art de diviser pour mieux régner.


Avec un appareil législatif paralysé, privé d’élections nationales depuis 1993 et sans constitution depuis 1997, la centralisation du pouvoir s’est progressivement consolidée.

Dans un État où toutes les activités citoyennes et religieuses sont surveillées, former une opposition devient une mission suicidaire.

Ici, « diviser pour mieux régner » est la devise du régime. Pour neutraliser ses adversaires potentiels, Afwerki s’appuie sur une politique de délation. Dénoncer un proche pour ses propos ou ses actions est encouragé par le régime, instaurant un climat de peur et de méfiance. Cette stratégie fragmente le tissu social et renforce l’autocensure, empêchant ainsi la formation de toute opposition.

Par ailleurs, la mainmise de l’État est renforcée depuis l’interdiction des médias indépendants en 2001 et l’instauration du service militaire obligatoire et indéfini en 2002. 

Initialement présenté comme un dispositif de défense nationale, ce service est en réalité devenu un puissant levier de contrôle social. Sans durée maximale, il réduit les jeunes à une main-d'œuvre gratuite, contraints de travailler dans des conditions extrêmes. En les maintenant sous son emprise, privés de liberté et d’opportunités, le régime étouffe toute possibilité d’émancipation et de contestation.


Ainsi, la stratégie d'Afwerki repose sur une emprise psychologique et physique totale sur la population. Un climat de peur, associé à l'absence de liberté et à une surveillance constante, pousse une partie des Érythréens à fuir.




Une instabilité régionale : l’Érythrée au coeur des fractures géopolitiques.


En raison de l’un des taux de fuite les plus élevés au monde et d’un exode massif chaque année, l’Érythrée contribue à l’instabilité régionale.

Cette crise migratoire provoque des tensions dans des pays déjà fragilisés par leurs conflits internes. Les États frontaliers peinent à gérer l’afflux massif de réfugiés, car les camps sont saturés et les ressources limitées. Cette situation engendre des conditions de vie déplorables pour les migrants, qui sont souvent confrontés à des pénuries alimentaires, des manques d'accès aux soins médicaux, et à une sécurité précaire

En outre, l’exode de masse favorise la prolifération de réseaux de traite humaine, créant ainsi des conséquences sécuritaires majeures. Le fardeau sur les pays voisins se fait de plus en plus lourd, transformant la crise migratoire en un véritable drame humanitaire.

Par ailleurs, la fragilité de la Corne de l’Afrique découle aussi de l’aspect militaire. Afwerki a longtemps soutenu des milices armées, déstabilisant ainsi les pays voisins et alimentant une guerre froide régionale. Bien que des accords et des médiations aient permis des améliorations, la méfiance envers l’Érythrée demeure toujours vive.


Ainsi, l’Érythrée est vectrice d’instabilités dans la Corne de l’Afrique. La crise migratoire a mis le pays sous le radar international à la suite des alertes des ONG sur les conditions de vie des réfugiés.




Un jeu d’équilibre : comment l’Érythrée défie la communauté internationale. 


Face à la répression interne, l’opposition érythréenne s’est structurée à l’étranger. La diaspora joue un rôle central dans la contestation du régime, en s’engageant activement à travers le lobbying, le militantisme et en apportant un soutien financier aux groupes d’opposition en exil.

Sur la scène internationale, les violations des droits humains en Érythrée attirent des critiques d’ONG telles qu'Amnesty International. Malgré cela, l’ONU, bien qu’elle ait exprimé des préoccupations, n'a pris aucune mesure concrète à cet égard. Seules des sanctions économico-militaires ont été prononcées, incluant un embargo sur les armes et un gel des avoirs, en réponse à l’implication de l’Érythrée dans divers conflits régionaux.

Pour sortir de son isolement et contourner les sanctions internationales, l’Érythrée s'est tournée vers la Chine et la Russie. Ces deux puissances, membres permanents du Conseil de sécurité, sont des alliées de taille, dont le droit de veto limite l'impact des potentielles sanctions contre l’Érythrée.

Moscou et Pékin, insensibles aux violations des droits humains, soutiennent le régime d'Afwerki en raison de son emplacement stratégique clé dans la mer Rouge

L’Érythrée permet à la Russie de sécuriser des positions militaires et à la Chine de renforcer ses partenariats économiques dans le cadre de sa politique de Chinafrique.




Pour mieux saisir les rapports de force qui structurent l’Érythrée, une représentation visuelle s'avère souvent plus parlante que de longs paragraphes. Voici un schéma qui résume clairement cette dynamique.


Face aux dérives autoritaires et à la répression systématique, L’Érythrée, de par son autoritarisme et sa répression systématique, continue de représenter un défi majeur pour la communauté internationale. La capacité du régime à résister aux pressions extérieures, soulève des questions fondamentales sur l’efficacité des sanctions et la responsabilité des puissances mondiales dans la défense des droits humains.





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Bibliographie : 
  • Amnesty International. (2019). Eritrea: Government officials and supporters target critics abroad as repression stretches beyond borders.
  • Human Rights Watch. (2023). Érythrée : Sévère répression à l’encontre des familles de réfractaires.
  • Nations Unies. (2011). Rapport final du Groupe d’observation de l’ONU sur la Somalie et l’Érythrée, établi en vertu de la résolution 1916 (2010).
  • Nations Unies. (2009). Rapport du Groupe de contrôle sur la Somalie, présenté au titre de la résolution 1853 (2008).