Haut-Karabakh : un carrefour d’enjeux énergétiques et stratégiques dans le Caucase


Poudrière du Caucase, le Haut-Karabakh est une terre disputée où la guerre n’est qu’un cycle sans fin. Ce territoire montagneux, riche d’histoire et de symboles, fut donné à l’Azerbaïdjan par Joseph Staline dans les années 1920, malgré une population majoritairement arménienne. Ce choix arbitraire, caractéristique des stratégies soviétiques de division, a semé les graines d’un conflit qui perdure depuis des décennies. À la chute de l’URSS, la région est devenue l’épicentre de violences meurtrières, où Arméniens et Azerbaïdjanais s’affrontent pour une terre qu’ils considèrent tous deux comme leur héritage légitime.

Depuis, deux guerres majeures et d’innombrables escarmouches ont ravagé le Haut-Karabakh, laissant derrière elles des milliers de victimes et des cicatrices profondes. 

Au-delà des revendications identitaires, le Haut-Karabakh se trouve au cœur d’un jeu complexe d’intérêts géopolitiques et énergétiques. Le Caucase se situe à la croisée des axes énergétiques majeurs entre l’Europe et l’Asie, attirant des convoitises des investisseurs. 

Les ambitions des grandes puissances et les enjeux stratégiques viennent renforcer la dimension internationale de ce conflit.



Comment les enjeux géopolitiques et énergétiques redéfinissent-ils le conflit du Haut-Karabakh et son rôle stratégique dans la région du Caucase ?




Une région conflictuelle aux enjeux mondiaux. 


Bien qu’éloigné des grands pipelines comme le BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), le Haut-Karabakh reste une source d’instabilité géopolitique pouvant affecter les infrastructures énergétiques stratégiques de la région. La guerre de 2020, par exemple, a illustré ce danger lorsque des bombardements ont touché Gandja, une ville clé située à proximité des corridors énergétiques reliant l’Azerbaïdjan à l’Europe. Une escalade plus large pourrait transformer ces infrastructures en cibles directes ou compromettre leur fonctionnement.

Pour l’Union européenne, qui cherche à diversifier ses approvisionnements énergétiques face aux tensions avec la Russie, ces pipelines sont importantes. BTC, principal vecteur du pétrole azerbaïdjanais, et TAP (Trans Adriatic Pipeline), transportant du gaz naturel, sont au cœur de cette stratégie. Tout conflit prolongé ou instabilité régionale menace ces flux énergétiques cruciaux pour l’Europe.

De fait, les ambitions de l’Azerbaïdjan en tant que fournisseur clé se heurtent à la nécessité de sécuriser ses infrastructures et stabiliser les tensions du Haut-Karabakh.


Ainsi, les enjeux énergétiques autour des pipelines et des corridors stratégiques démontrent l’importance cruciale de la stabilité dans le Caucase. Mais au-delà de l’énergie, le Haut-Karabakh se positionne également comme un carrefour commercial au cœur des ambitions des grandes puissances, notamment dans le cadre des Nouvelles Routes de la Soie.




Un carrefour stratégique dans les Nouvelles Routes de la Soie. 


Pièce maîtresse du Caucase, le Haut-Karabakh et ses environs se situent à la croisée des routes commerciales entre l’Asie et l’Europe. Si le conflit en lui-même n’impacte pas directement les corridors ferroviaires comme BTK (Bakou-Tbilissi-Kars), il reflète l’instabilité d’une région que la Chine considère comme stratégique pour ses ambitions.

Les Nouvelles Routes de la Soie, projet phare de Pékin, visent à sécuriser des échanges commerciaux massifs. Le Caucase, en tant que point de passage vers la mer Noire et l’Europe, est crucial dans cette stratégie. La Chine y voit un moyen d’acheminer ses produits manufacturés et d’importer les ressources énergétiques nécessaires à sa croissance.

Toutefois, la persistance du conflit au Haut-Karabakh fragilise ces ambitions. Une région marquée par des affrontements réguliers est moins attractive pour des investissements à long terme. Les grandes puissances, qu’il s’agisse de la Russie, de la Turquie ou de la Chine, cherchent à stabiliser cette zone pour préserver leurs intérêts

En ce sens, le Haut-Karabakh, bien qu’en apparence périphérique, s’inscrit dans des dynamiques géopolitiques globales où se croisent enjeux de sécurité, commerce et énergie.




Le Haut-Karabakh se révèle être bien plus qu’un simple théâtre de conflits ethniques et territoriaux. Comme le montre le diagramme, cette région est un véritable carrefour stratégique où se croisent des enjeux énergétiques, des rivalités géopolitiques et des tensions identitaires

La position centrale du Haut-Karabakh illustre sa double fonction : être à la fois un levier pour le contrôle des infrastructures énergétiques et un point névralgique pour les stratégies des grandes puissances dans le Caucase.




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Bibliographie :
  • Cohen, Ariel, and Spector, Reginald. "The Geopolitics of Energy in the South Caucasus." Journal of Energy Security, 2020.
  • Guliyev, Farid. "Energy and Conflict in the South Caucasus." Caucasus Analytical Digest, No. 91, 2017.
  • International Crisis Group. Improving Prospects for Peace after the Second Nagorno-Karabakh War. Report No. 911, 2021.