Venezuela : symboles démocratiques, pratiques autoritaires


Le Venezuela vote, mais choisit-il encore vraiment ? En 2024, Nicolás Maduro est réélu dans un climat de contestation généralisée, rappelant que les symboles de la démocratie peuvent masquer sa disparition. Cette victoire controversée illustre la tendance autoritaire du régime, autrefois salué comme un modèle démocratique. 

Durant les années 2000, sous la présidence d’Hugo Chávez, le Venezuela s’était imposé sur la scène internationale grâce à sa Révolution bolivarienne. Ce projet mêlait redistribution sociale, nationalisme économique et mobilisation populaire, tout en renforçant l’image d’un régime proche des aspirations du peuple. 

Cependant, derrière cette vitrine démocratique se profilait déjà une concentration croissante du pouvoir et une dépendance excessive aux revenus pétroliers. Au décès de Chavez en 2013, son successeur, Nicolás Maduro, hérite d’un pays en crise.

Sous sa présidence, le Venezuela a basculé dans une instabilité politique croissante et un autoritarisme marqué, tout en continuant à organiser des élections et à se revendiquer du chavisme.


Comment le Venezuela en est-il arrivé à un régime autoritaire sous Maduro, tout en conservant les apparences démocratiques ?




Entre héritage et rupture : Maduro dans l’ombre de Chávez.


L’arrivée de Nicolás Maduro en 2013 coïncide avec une période de turbulences pour le Venezuela. La chute des prix du pétrole en 2014 frappe durement une économie déjà fragilisée par sa dépendance quasi-totale aux exportations de cette ressource. Alors que Chávez avait utilisé les revenus pétroliers pour financer des programmes sociaux spectaculaires et asseoir sa popularité, Maduro doit affronter une inflation galopante, une pénurie de biens essentiels et une dégradation rapide des conditions de vie.

Cette crise économique met à mal la légitimité du régime. Elle creuse un fossé toujours plus profond entre ses partisans et ses opposants, rendant le climat politique de plus en plus conflictuel.

Pour faire face à cette situation, Maduro adopte une politique de centralisation du pouvoir. En 2017, après que l’opposition a remporté la majorité à l’Assemblée nationale, il crée une Assemblée constituante. Cette institution, composée uniquement de ses partisans, est un organe exceptionnel qui a permis au président de contourner un Parlement hostile. 

Là où Chávez s’appuyait encore sur des institutions pluralistes pour légitimer son pouvoir, Maduro a franchi un pas supplémentaire, mettant en place des mécanismes institutionnels qui concentrent davantage le contrôle entre ses mains.

Cette centralisation rappelle les tendances autoritaires amorcées sous Chávez, mais la différence réside dans le contexte. Chávez jouissait d’un soutien populaire massif grâce à ses politiques sociales, tandis que Maduro s’appuie sur des institutions dominées par ses alliés pour compenser une popularité déclinante.




Entre urnes et contrôle : la démocratie en trompe-l’oeil. 


Malgré la crise, Maduro a continué d’organiser des élections, comme le veut l’héritage chaviste. Cependant, ces scrutins sont de plus en plus contestés, et l’élection présidentielle de 2018 en est l’exemple le plus marquant. Boycottée par une grande partie de l’opposition, elle a été critiquée pour des irrégularités, notamment l’exclusion de candidats majeurs. De plus, le Conseil national électoral, chargé de superviser et garantir la transparence des élections, a été accusé de favoriser le gouvernement dans l’organisation du scrutin. Ce type d’élection, bien qu’encore organisé, sert davantage à maintenir une légitimité apparente qu’à permettre une véritable compétition démocratique.

En parallèle, Maduro a intensifié la répression des opposants. Les grandes manifestations de 2014 et 2017, souvent motivées par les difficultés économiques et la contestation politique, ont été sévèrement réprimées. Les arrestations massives, les violences policières et les accusations de violations des droits humains se sont multipliées. Ce recours accru à la force marque une rupture avec Chávez, qui privilégiait des stratégies de mobilisation populaire.

Pour Maduro, cette répression trouve sa justification dans un discours de défense nationale. Il accuse l’opposition d’être manipulée par des puissances étrangères, notamment les États-Unis, et de chercher à déstabiliser le pays. Ce discours anti-impérialiste, hérité de Chávez, est utilisé pour justifier des mesures répressives et réduire l’espace laissé à la contestation.

En comparaison, bien que Chávez ait également critiqué l’ingérence étrangère, il s’appuyait sur une base sociale solide et des mécanismes électoraux compétitifs pour asseoir son autorité. Maduro, en revanche, s’appuie davantage sur des outils coercitifs, mettant en lumière une dérive autoritaire qui contraste avec les promesses initiales de la Révolution bolivarienne.




Le Venezuela illustre de manière tragique le paradoxe démocratique : un régime qui conserve les symboles de la démocratie (élections, discours populaires, institutions en place) tout en vidant progressivement son contenu. Comme le montre le graphique, la participation électorale diminue à mesure que le contrôle autoritaire s’accentue et que l’indice de démocratie s’effondre (barème 0-10).

Sous Chávez, ces tensions étaient masquées par un charisme et une redistribution économique qui maintenaient une adhésion populaire. Sous Maduro, elles éclatent au grand jour, exacerbées par une crise économique dévastatrice et des atteintes croissantes aux libertés politiques. Cette trajectoire met en lumière les dangers d’un pouvoir concentré et les défis auxquels font face les démocraties en crise.

En visualisant ces évolutions, le graphique rappelle que si les institutions démocratiques peuvent être détournées, leur affaiblissement progressif s’accompagne inévitablement d’un désengagement populaire et d’une montée de la répression. Le cas vénézuélien invite à réfléchir sur la fragilité des démocraties face à des crises économiques et politiques et à la nécessité de préserver des institutions véritablement pluralistes et participatives.





Temps de lecture : 6 minutes. 





Bibliographie :


  • Tinker Salas, Miguel. Venezuela: What Everyone Needs to Know. Oxford University Press, 2015.
  • Human Rights Watch. "Venezuela: Events of 2024." In World Report 2024.
  • Transparency International. Corruption Perceptions Index: Venezuela. Transparency International, 2023.